Deux ingénieurs de Navanex deviennent pêcheurs

Deux ingénieurs de Navanex deviennent pêcheurs

Les ingénieurs et technologues navals de Navanex, Hubert Simard et Jean-Nil Poirier Morissette, ont vécu l’expérience d’une vie en janvier dernier en embarquant sur le navire de pêche l’Executioner pour y devenir pêcheurs pendant 216 heures.

Ayant participé à la conception de l’Executioner, en 2016, Hubert et Jean-Nil voulaient s’assurer que leur navire relevait tous les défis et valider si certains éléments pouvaient être améliorés. En effet, leur nouveau client, le capitaine et propriétaire d’un crabier, Marco Turbide, agrandit sa flotte et a commandé au Chantier Naval Forillon un chalutier multipêche qui sera dessiné et conçu par Navanex. Ce navire permettra à monsieur Turbide de pêcher le crabe des neiges et le sébaste, selon les saisons. Cette expédition à bord de l’Executioner, a permis de recueillir de nombreuses données afin de proposer des solutions optimales pour la conception de ce nouveau navire. Le sébaste, sous moratoire depuis 1995 a depuis repris énormément de vigueur et se trouve désormais en immense quantité dans l’unité 1 du Saint-Laurent. En attendant la levée du moratoire, ce nouveau navire sera le premier bateau moderne dédié à la reprise de cette pêche.

En devenant membres à part entière de l’équipage de sept marins, Hubert et Jean-Nil ont choisi le meilleur moyen de savoir si leur conception tenait la route…ou plutôt la mer, mais encore fallait-il être prêt à vivre cette grande aventure!

Un départ mouvementé

Rendus à St-Jean de Terre-Neuve, les deux professionnels ont dû attendre deux jours qu’une grosse tempête passe sa route en attendant la venue d’un autre gros système dépressionnaire. Ce faisant, ils ont eu le temps de se rendre à la pharmacie la plus appréciée des pêcheurs du coin; la White Rose Pharmacy concocte sa propre recette de médicament contre les nausées qui, parait-il est la meilleure qui soit! Une sage précaution avant d’entreprendre un tel voyage. Malgré cette attente, la seconde tempête a frappé l’équipage de plein fouet peu après son départ et Hubert et Jean-Nil ont vécu un baptême de pêche plutôt mouvementé.

Le vie à bord

Malgré leur grande connaissance du domaine maritime, rien ne pouvait préparer les deux ingénieurs à la vie à bord de l’Executioner. Des espaces très restreints, une alimentation totalement dépourvue de fruits et un sommeil par tranches de trois ou quatre heures, la vie de pêcheur est dure. Le bruit constant des machines, les pieds dans l’eau et le travail extrêmement physique ont été leur quotidien pendant neuf jours.

Une expérience humaine et professionnelle incomparable

En dépit de ces difficultés, Jean-Nil et Hubert sont très reconnaissants d’avoir vécu une telle expérience qu’ils qualifient d’incomparable. L’accueil chaleureux de l’équipage, malgré une certaine barrière de langage et la générosité de Dennis McCarthy, capitaine et propriétaire de l’Executioner qui les a laissés devenir pêcheurs à bord de son navire, alors qu’ils n’avaient aucune expérience, valent leur pesant d’or. Les deux ingénieurs ont mis la main à la pâte. Ils ont travaillé sans relâche avec l’équipage, se réveillant à 3h ou 4h du matin au son du haut-parleur qui les sommait de se rendre sur le pont. Jean-Nil Poirier Morissette, Directeur de l’ingénierie – Technologue sénior architecture navale chez Navanex raconte : « Une barre chocolatée et une liqueur avalées sur le pouce et on travaillait pendant trois à quatre heures à sortir du chalut, à trier des milliers de livres de sébastes et à éviscérer des centaines de poissons. L’humidité, le bruit constant et le mouvement perpétuel du navire ne nous ont pas arrêtés. En tout, nous avons pêché pendant six jours dans le chenal Laurentien. Le reste des heures étant consacré à se rendre aux lieux de pêche, puis à revenir au port de Louisbourg en Nouvelle-Écosse »

Une analyse approfondie des éléments à améliorer

C’est en toute humilité que les deux concepteurs de l’Executioner ont répertorié la liste des améliorations envisagées. « En vivant et en travaillant à bord, il est nettement plus facile de constater que certains éléments de nos conceptions méritent qu’on s’y attarde et ça nous donne une vraie longueur d’avance sur nos concurrents. Désormais on parle en toute connaissance de cause et ça, ça n’a pas de prix » souligne Hubert Simard, Directeur de projets – Ingénieur mécanique, technologue architecture navale chez Navanex. En effet, pendant ces longues heures en mer, les deux professionnels ont constaté que :

  • L’environnement est extrêmement bruyant: le moteur auxiliaire qui fournit la puissance hydraulique pour actionner les treuils de pêche, le moteur principal à combustion et les génératrices fonctionnent tous en simultané. Hubert et Jean-Nil préconisent déjà plusieurs solutions pour réduire cette pollution sonore.
  • L’eau qui envahit constamment le pont : Là encore, ils envisagent des ouvertures mieux adaptées pour écouler cette eau ainsi que des stations de pompage de cales supplémentaires comme un système à double redondance pour assurer un drainage adéquat.
  • La sécurité : bien que déjà accrue, ils ont déjà imaginé des façons de la renforcer par des solutions simples qu’il aurait été difficile, voire impossible, de concevoir sans ce voyage.
  • Le parcours des prises depuis leur entrée dans les chaluts jusqu’à leur conservation dans les cales réfrigérées : ce circuit pourrait être facilité pour engendrer un gain de temps et permettre à l’équipage de gagner quelques heures de repos supplémentaires.
  • La circulation à bord du navire : Plusieurs améliorations seront incluses dans la conception du nouveau chalutier pour que les membres d’équipage puissent plus aisément passer d’un espace à l’autre en restant au sec et ainsi éviter les changements fréquents de vêtements et de bottes. L’environnement à bord étant peu confortable, ce genre d’amélioration sera très certainement bienvenu.

Des points identifiés avant le voyage

Avant même de partir pour cet incroyable périple, Jean-Nil, Hubert et leurs collègues de Navanex avaient déjà réfléchi à des améliorations de conception qu’ils voulaient valider :

  • Le raffinement de la coque pour la rendre plus hydrodynamique, réduire la résistance et augmenter son efficacité avec un bulbe encore plus performant.
  • Les stabilisateurs encastrés, une innovation très judicieuse; les ailerons et l’encastrement profilés pour améliorer l’efficacité des stabilisateurs lorsqu’ils sont abaissés. De plus, ils opposeront moins de résistance. Les encastrer diminuera également les risques de bris.

Ces points ont d’ailleurs été discutés avec le capitane et propriétaire, Dennis McCarthy et seront intégrés dans les prochains projets exécutés par l’équipe de Navanex au Chantier Naval Forillon.

Une deuxième expérience pratique

À l’automne 2022, Hubert Simard et Jean-Nil Poirier Morissette avaient déjà participé à une formation pratique au Marine Institue du Memorial University of Newfoundland. Organisée par l’association des Capitaines-Propriétaires de la Gaspésie (ACPG), la formation visait à observer le comportement d’un nouveau chalut semi-pélagique. Un modèle réduit, réagissant aux courants du réservoir vitré de l’institut de formation, leur a permis de constater que ce modèle offrait une meilleure protection des fonds marins. Il sera donc recommandé à leurs clients, le cas échéant.

Un avantage sur tous les points

Ce genre d’expérience pratique permet aux ingénieurs et technologues de constater de manière bien réelle les conséquences et les comportements engendrés par leurs concepts. L’avantage concurrentiel acquis par une telle démarche renforcera la crédibilité déjà bien établie des experts en architecture navale de Navanex qui en sont à la réalisation de leur 5e grand navire de pêche de ce type. En effet, ils ont déjà assuré la conception des F/V Dual venture, F/V Executioner, F/V Russell’s legacy et F/V Nathen K.